La poursuite de cette
mémoire étrangère continue.
L’homme ne peut plus s’en empêcher désormais. Il y
pense nuit et jour,
attendant avec impatience le moment où son esprit sera prêt
à continuer la
lecture – la vision plutôt – des pages de ce carnet noir, de ce
morceau de passé,
de ce bloc d’antimatière.
L’homme ouvre à nouveau
le carnet, fiévreux à l’idée de découvrir un
lieu nouveau, de laisser son
esprit se taire face à ses yeux,
de ne faire qu’un avec le vu.
Chose étonnante, ce n’est
pas une image qui s’offre au regard de
l’homme mais deux. Il ne le perçoit
cependant pas tout de suite. La composition
des deux images, pourtant sans
rapport semble fonctionner d’une même pensée.
Les deux lieux représentés
cohabitent sur la page avec étrangeté,
sans pour autant paraître déplacés.
De son œil gauche,
l’homme est couché dans le sable, enfin ce qu’il pense
être du sable car en
réalité, il n’est posé que sur une étendue vide de papier
jauni. Devant lui
trônent des bouts de bois noircis et brûlés, résidus visuels d’un
événement qui
a eu lieu au passé et apparaît en tant qu’empreinte sur le présent.
Le temps
n’est jamais fixe. Les éléments se recoupent toujours incessamment,
apparaissent en des lieux qui ne leur correspondent pas.
Au fond du décor se
découpe, d’un trait noir, une habitation sur pilotis, vide
de toute présence
humaine. Les personnes qui habitaient sur le lieu de la scène
semblent l’avoir
fui pour une raison inconnue.
L’homme n’en saisit pas la cause en tout cas.
Son œil gauche suit les
ramures d’un morceau de bois brulé sur la droite
de la page et glisse
doucement. C’est alors qu’il laisse la vision à son œil droit,
le bois s’étant
transformé en l’ombre d’un arbre, masqué au regard sur la page
suivante. Mais
la transition se fait en un souffle, sans aucune consistance.
Un sol carrelé recouvre
le bas du regard. Sur sa surface glissent doucement
les ombres d’arbres
poussant plus loin. Une construction en pierre happe le
centre de l’image. Cela
semble être un four antique ou archaïque, abandonné
là par la croissance
incessante de la modernité, reclus au triste
statut de vestige d’une époque.
L’homme ne comprend pas
où il se trouve. Les deux lieux paraissent aussi peu
réels l’un que l’autre. Il
ne parvient plus à canaliser ses pensées, se perdant entre
les hémisphères
gauches et droits de son cerveau. Il n’arrive plus à formuler d’idée précise.
Au sein de l’image se
dressent alors d’autres arbres, empiétant sur les lieux précédents,
les
détruisant. Ils sont rouges, sanglants même. Leur présence est un mauvais
présage.
L’écorce de leurs troncs est striée de multiples rainures. Cela leur
donne un aspect
organique. Ils ressemblent à des muscles, dressés ici au milieu
du vide pour appeler le
regard en leur surface, pour ruiner les images qui
existaient jusqu’à lors.
Mais l’homme parvient à
les faire fuir, à tourner la page du carnet noir.
Il s’arrête ainsi sur la
représentation d’une machinerie humaine découpant l’horizon
et entre dans
l’image. Il apaise ainsi son regard en contemplant les différents aspects de
cette grue gigantesque, érigée au bord de l’eau afin de rythmer la vie des
hommes.
Il s’endort en comprenant
que le retour à l’humanité est inexorable.
bien chouette ces derniers carnets,
RépondreSupprimeret maisons bien ombrés.
keep it up !
Merci, je suis bien content que t'apprécies !
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