lundi 2 septembre 2013

Brazil 2/14. Pão de Açúcar







L’homme se réveille. Sans attendre de rassembler ses esprits, il décide de 
continuer la recherche de cette mémoire étrangère. Ses doigts frôlent les 
pages du carnet, les tournent à nouveau, l’une après l’autre.

Une nouvelle image apparaît, une chaise noire, flottant dans un grand vide. 
Sur son dossier est posé un vêtement blanc, représenté d’un trait mal assuré. 
Le dessin autant que le souvenir n’est pas sûr. L’homme contemple 
l’association des deux objets, monument éphémère, quelques instants, 
avant d’être diverti par un bruit derrière lui. Un groupe de gens discute en 
bas de l’escalier. Ils s’adressent à lui mais l’homme ne comprend pas. Tous les 
sons sont brouillés, ont perdu leur sens. Il s’agite, tente de se faire comprendre. 
« Que dites-vous ?! » crie l’homme. Les quatre personnes se taisent alors et 
le regardent. « Mais qu’est-ce que je fais là ? » pense l’homme avec inquiétude, 
« je suis perdu. » Il est étranger à l’environnement, étranger à ce qui l’entoure, 
aux humains qui peuplent ce monde nouveau.






Soudain, la solution lui apparaît : « Ainsi, je suis un élément qui ne coïncide 
pas avec ce contexte, ce n’est pas ce que je vois qui est étrange et différent 
mais moi-même. Je dois donc cesser de me centrer sur moi et mon esprit mais 
m’offrir entièrement à la découverte de ces images. Je ne dois plus être qu’une 
enveloppe pour mes sens, je dois leur laisser tout le pouvoir de mon corps 
durant ce périple au sein de la mémoire. »

Les couleurs envahissent alors sa vision et la rendent plus claire. C’est le symbole. 
Il sait que tout ce qu’il va voir sera nouveau et différent mais cela ne l’inquiète plus. 
Son regard se lève légèrement et il observe la cour intérieure dans laquelle il se trouve, 
comme si c’était la première scène qu’il voyait à la naissance, vierge de toute image.






Il décide alors de marcher, vite et loin. Il lui faut trouver un lieu où il pourra 
englober en un seul regard le plus d’éléments possible. Ses pas le dirigent, 
aléatoirement de ruelle en ruelle, croisant le regard de passants inconnus, happant 
au passage des mots vides de sens. Il se faufile tant bien que mal au sein de cette 
fourmilière grouillante et arrive enfin en face d’une petite montagne, en bordure 
de la ville. Il remarque qu’un téléphérique monte et descend continuellement 
de la terre ferme au sommet du pic. « De là-haut, je pourrais percevoir ce 
monde dans son entier. » Mais un élément le dérange. La montagne ne semble 
pas exister de manière unique : son reflet flou et inversé paraît cohabiter 
perpétuellement à ses cotés. L’image du monument naturel qui s’offre aux yeux 
de l’homme existe au présent mais paraît être déjà un souvenir avant même 
d’avoir achevé son existence. 

Cela trouble l’homme






Il décide malgré tout d’emprunter le téléphérique et de gravir ce mont 
étrange. Au bout de quelques minutes qui lui semblent avoir duré des heures, 
il arrive au sommet de la montagne. Il avance un peu et, entre deux buissons, 
lui apparaît la scène. L’observatoire où il se trouve lui offre une vision panoramique 
de cette ville. L’homme peut, comme il le désirait, embrasser ce monde d’un seul 
regard. Mais malgré cela, l’image qui lui est transmise est dénuée de réalité, elle 
flotte à la surface de ses yeux comme une fumée indécise et ne parvient à 
lui transmettre aucune information précise.

L’acte de voir ne peut être objectif car il confronte une image à un corps 
particulier, à un être pensant. Vouloir observer une réalité entière en une seule 
vision n’est pas possible. L’équilibre serait rompu, l’homme le sait à présent. 
Il faut vivre pour voir, marcher, avancer d’image en image, observer chaque 
détail l’un après l’autre pour dessiner une vision claire de ce que peut être le monde.

C’est un parcours fastidieux mais il ne peut en être fait autrement.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire