Les yeux de
l’homme se posent sur une nouvelle image.
Sur un papier
jauni, une camionnette est garée, surplombant un paysage de
broussailles
indéfinies. Une montagne obscure apparaît au loin.
L’homme ne saisit
pas tout de suite où il se trouve. Mais petit à petit,
son esprit se raccorde,
les connexions de son cerveau, laissées libres
afin d’accueillir ce monde inconnu, se reconnectent.
Il se trouve dans
un bus, qui avance avec calme sur une route cabossée.
A coté de lui sont assis
les guides – et désormais amis - avec lesquels il a
voyagé jusqu’à présent, au
sein des pages du carnet. Les paysages défilent
devant son regard, inconnus et
beaux. Il n’est plus l’homme apeuré qu’il
était au début du périple, il y a
quelques jours. Désormais, il
accepte chaque vision avec une innocence et curiosité
toujours renouvelée.
On pourrait dire une joie même. Son corps est présent au
centre de l’inconnu,
il enregistre cette mémoire nouvelle en mettant toute
pensée en
retrait, s’offrant pleinement à ses sens.
Alors que son
esprit s’endort, bercé par le doux bercement de la route,
le bus s’arrête.
« Nous sommes arrivés » semble dire le chauffeur, bien que
l’homme ne
comprenne pas sa langue. Mais arrivés où, ça, il ne le sait pas.
Il sort du
véhicule et observe les lieux : une gare routière étrange,
placée au
milieu d’un paysage désertique et vide, seulement coupé par la
route qui en
définit l’horizon. Les guides entrent dans le bâtiment, il les suit.
A
l’intérieur, il ne parvient à s’intéresser à rien de particulier. Cette gare
n’existe que comme étape transitoire, comme lieu d’attente et pause dans
l’existence. Elle n’est pas une image à part entière sur laquelle le regard
pourrait s’accrocher. Un téléphone sonne au loin. Les sons qu’il émet
semblent
déplacés et artificiels en comparaison avec le calme passif qui
entoure les
lieux. Cela interpelle l’homme quelques instants. Il s’en
désintéresse vite
cependant et rejoint ses amis qui marchent
vers un couloir du bâtiment.
Du temps passe,
sans que l’homme y prête attention. A tel point qu’il se
demande ce qu’il a bien
pu faire ces dernières heures. Il peine à se
souvenir. Il était dans le car et
puis …
Il se rend
d’ailleurs compte qu’il ne se trouve plus dans cette gare
vide et endormie mais
dans une chambre. Autour de lui résident les
guides, accroupis au sol ou posés
dans des lits et hamacs. Ils sont
silencieux et passifs. Ils semblent attendre
quelque chose. Mais quoi,
l’homme ne le comprend pas.
Il suppose
cependant que le voyage d’aujourd’hui aura existé en tant
que transition vers
de nouvelles images. L’attente qui aura marqué les heures
précédentes serait
une étape nécessaire pour parvenir à un nouveau cadre de vision.
Mais peut-être
que ces transitions existent pour ce qu’elles sont, en tant qu’images ?
Sans savoir
pourquoi, il sent que cette pensée est vraie et replonge ainsi dans le
monde
réel. Il referme et repose le carnet noir, attendant avec hâte d’en étudier à
nouveau le contenu, de voyager encore au sein de ses pages.
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