vendredi 6 septembre 2013

Brazil 6/14. Transition








Les yeux de l’homme se posent sur une nouvelle image.
Sur un papier jauni, une camionnette est garée, surplombant un paysage de 
broussailles indéfinies. Une montagne obscure apparaît au loin.

L’homme ne saisit pas tout de suite où il se trouve. Mais petit à petit, 
son esprit se raccorde, les connexions de son cerveau, laissées libres 
afin d’accueillir ce monde inconnu, se reconnectent.
Il se trouve dans un bus, qui avance avec calme sur une route cabossée. 
A coté de lui sont assis les guides – et désormais amis - avec lesquels il a 
voyagé jusqu’à présent, au sein des pages du carnet. Les paysages défilent 
devant son regard, inconnus et beaux. Il n’est plus l’homme apeuré qu’il 
était au début du périple, il y a quelques jours. Désormais, il 
accepte chaque vision avec une innocence et curiosité toujours renouvelée.
On pourrait dire une joie même. Son corps est présent au centre de l’inconnu, 
il enregistre cette mémoire nouvelle en mettant toute pensée en 
retrait, s’offrant pleinement à ses sens.

Alors que son esprit s’endort, bercé par le doux bercement de la route, 
le bus s’arrête. « Nous sommes arrivés » semble dire le chauffeur, bien que 
l’homme ne comprenne pas sa langue. Mais arrivés où, ça, il ne le sait pas.






Il sort du véhicule et observe les lieux : une gare routière étrange, 
placée au milieu d’un paysage désertique et vide, seulement coupé par la 
route qui en définit l’horizon. Les guides entrent dans le bâtiment, il les suit. 
A l’intérieur, il ne parvient à s’intéresser à rien de particulier. Cette gare 
n’existe que comme étape transitoire, comme lieu d’attente et pause dans 
l’existence. Elle n’est pas une image à part entière sur laquelle le regard 
pourrait s’accrocher. Un téléphone sonne au loin. Les sons qu’il émet 
semblent déplacés et artificiels en comparaison avec le calme passif qui 
entoure les lieux. Cela interpelle l’homme quelques instants. Il s’en 
désintéresse vite cependant et rejoint ses amis qui marchent 
vers un couloir du bâtiment.







Du temps passe, sans que l’homme y prête attention. A tel point qu’il se 
demande ce qu’il a bien pu faire ces dernières heures. Il peine à se 
souvenir. Il était dans le car et puis …
Il se rend d’ailleurs compte qu’il ne se trouve plus dans cette gare 
vide et endormie mais dans une chambre. Autour de lui résident les 
guides, accroupis au sol ou posés dans des lits et hamacs. Ils sont 
silencieux et passifs. Ils semblent attendre quelque chose. Mais quoi, 
l’homme ne le comprend pas.

Il suppose cependant que le voyage d’aujourd’hui aura existé en tant 
que transition vers de nouvelles images. L’attente qui aura marqué les heures 
précédentes serait une étape nécessaire pour parvenir à un nouveau cadre de vision.

Mais peut-être que ces transitions existent pour ce qu’elles sont, en tant qu’images ?

Sans savoir pourquoi, il sent que cette pensée est vraie et replonge ainsi dans le 
monde réel. Il referme et repose le carnet noir, attendant avec hâte d’en étudier à 
nouveau le contenu, de voyager encore au sein de ses pages.








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