Du sable s’étend
à perte de vue.
Il vagabonde si
loin dans le paysage que l’horizon n’existe plus,
la séparation entre ciel et
terre n’a plus lieu d’être, le jaune du sable
se mêle au blanc du papier,
créant un paysage au sein même du vide.
Un seul élément
vient rompre avec ce monochrome naturel. C’est une
barrière de graphite,
représentant des morceaux de bois, érigés les uns
à coté des autres autour
d’une porte archaïque. L’homme comprend qu’il
est dans le désert. Ce carnet
regorge décidément de mille et unes merveilles.
Il pense durant quelques
instants à ce qu’il a pu voir jusqu’à présent et
imagine avec joie ce qu’il va
voir par la suite. Mais pour voir, il faut se
déplacer. C’est ce que décide de
faire l’homme.
Le décor se
trouble ainsi, laissant place à une autre étendue de sable,
dans un lieu
différent. La barrière boisée n’est plus là, remplacée par
une barque aux
couleurs flamboyantes et irréelles.
L’homme se
souvient à présent. Ce sont les guides qui l’ont mené ici.
Il a traversé avec
eux un désert de sable, marchant durant un temps
indéterminé dans ces plaines
minérales pour s’établir sur cette plage,
aux confins d’un village étranger.
Mais le village, ils ne l’approchent pas,
préférant converser avec les éléments
naturels qui parsèment les lieux.
C’est sans doute une bonne décision, il n’en
sait rien à vrai dire.
Cela ne le préoccupe pas.
A coté de la
barque échouée – elle attend que la marée remonte et lui
permette de flotter à
nouveau – se trouve leur campement, à l’homme
et aux guides. Ils l’ont
construit d’une décision commune, utilisant les
divers éléments qu’ils
pouvaient recueillir aux alentours : bouts de bois,
feuilles de palmiers,
mousse et sable. C’est un lieu agréable. Il est retiré
des bruissements
incessants de la civilisation humaine. Les seules traces
sont cette barque et
un bateau laissé à l’abandon, un peu plus loin
au milieu de la mangrove.
Cette attente
sans but laisse du temps à l’homme pour penser à son
voyage, à la création de
cette mémoire représentée dans le carnet noir.
Il se demande si, au fond, ce ne
sont pas ses propres visions, oubliées
et perdues au fin fond de son esprit,
qui y sont dessinées page après page.
Mais aucune réponse ne parvient à ses
oreilles. Tout est trop calme.
Est-ce que c’est
cela voyager ? Vagabonder d’un lieu à un autre en
ne restant que
spectateur, que découvreur passif d’une nouvelle réalité.
Depuis quelques
jours, il ne saisit plus très bien son rôle dans ce périple.
Dans quel but
emmagasiner toutes ces images ? Ne faut-il pas les vivre
plus tôt ?
« Je ne parviens à rien, mais cela ne m’attriste pas, c’est étrange »
se dit l’homme, il n’avait jamais connu cela auparavant.
« Peut-être
devrais-je malgré tout laisser une trace de mon existence
au sein de ces
images, autant qu’elles laissent une trace de la
leur dans mon esprit. »
conclut l’homme.
Puis il se
concentre sur l’observation d’un arbre en face de lui, laissant
son regard se perdre
entre les tumultueuse racines apparentes qui se
rejoignent pour se dresser vers
le ciel.
« Il laisse sa trace dans le monde, lui », se dit l’homme.
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