Aujourd’hui, le voyage
arrive à son terme.
L’homme a parcouru toute
la mémoire de ce monde, il a marché jour après jour
entre les pages de cet
énigmatique carnet noir. Il a vu et vécu au sein de ces lieux
des choses qui l’auront
transformé à jamais.
Il ne lui est pas
possible de saisir la pleine signification de ce à quoi il a assisté
ces
dernières semaines. Certaines images ont donné lieu en lui à des moments de
joie ou de sérénité qu’il n’avait jamais connu jusqu’à lors. D’autres l’ont
profondément
troublé et angoissé. Pourtant, il le sait, ce voyage fait désormais
partie intégrante de lui.
Plus rien ne pourra être comme avant désormais et, d’ailleurs,
il ne le souhaiterait pas.
Mais, à présent, il tient
le bloc noir entre ses mains, ouvert à la dernière page,
il en est conscient. Le
périple s’achève avec cette dernière image.
Dans un cadre noir
apparait un paysage à l’atmosphère paisible.
Au milieu d’un pré de
montagne, parsemé d’arbres ci et là, se dresse une petite
maisonnée, camouflée
dans ce décor naturel. Il règne un sentiment de profonde
paix en ce lieu, l’homme
le ressent.
Il lui reste un choix à
faire désormais. Un choix qui va se répercuter dans son
existence comme un raz-de-marée,
modifiant le cours des choses inéluctablement.
Mais cela n’inquiète pas l’homme.
Il sait que cette étape lui est nécessaire
pour continuer à avancer.
Il n’hésite pas. Il
connaît la réponse depuis longtemps, la voie qu’il doit emprunter.
Empoignant le carnet à deux
mains, il plonge la tête et saute au centre de l’image.
Toutes ses pensées le
quittent tour à tour, s’envolent hors de son corps, hors de
son esprit, le
laissant pur face à cet ultime saut dans le vide. Car à présent commence
sa
nouvelle vie au sein des images. Et il sait que ces images sont le fruit des
songes
de la jeune endormie, qu’il va pouvoir vivre perpétuellement dans ses
rêves et
vagabonder dans sa conscience.
Une gorgée d’euphorie fait vibrer le
ventre de l’homme.
Sa mémoire s’efface alors
complètement. Un vent fort souffle sur ses plus anciens
souvenirs. Ils s’échappent
comme s’ils n’avaient jamais existé.
Ça y’est. Il est prêt à
accueillir, l’esprit grand ouvert, sa nouvelle existence.
Le carnet tombe alors au
sol et se referme,
redevenant un bloc de matière noire inerte.
Tout disparait.