lundi 22 avril 2013

Ex Cinero Fieri 1/2







L’un des enfants se lève.

Il tourne la tête et observe le lieu accueillant sa présence. 
Une forêt sombre et silencieuse. Des arbres érigent une barrière 
opaque autour de cette clairière étrange ; ils s’épousent, dansent et 
se mêlent les uns aux autres dans un balai tortueux. L’écorce qui 
englobe leurs troncs et zébrée de nombreuses et profondes rides, 
comme un parchemin, gratté par la plume de millénaires d’histoire.
 Rien ne semble exister au-delà des frontières de leur visibilité.

L’enfant se frotte le visage. Il a la peau dure et lisse. Ni oreille, ni nez ni œil, une simple 
surface rigide, épousant une forme pourtant complexe. Comme si plusieurs bouts de bois
 sans écorce, avaient été assemblés les uns aux autres sans attache apparente, sans réalité. 
Mais cela ne l’étonne pas. Il lui semble que ce masque étrange définissant son identité fut
 toujours celui-ci. De toute manière, la question n’est pas là.

Un élément l’étonne et le fascine cependant. 

Une construction se dresse au centre de cet espace vide et circulaire. 
Mais est-elle seulement construite ? Elle semble reposer ici depuis l’aube des temps, 
le décor qui l’entoure ne pouvait exister sans sa présence. Tous deux sont liés dans la racine 
même du monde et ne peuvent dès lors être dissociés. Pourtant, rien dans la nature  
 ne pourrait se distinguer plus que cet édifice. Il appartient intrinsèquement au lieu
 mais en est profondément étranger.

La surface de cet objet vibre. Elle est immobile, rigide, géométrique. 
Elle est liquide, molle et mouvante. Enigmatique, elle vagabonde entre deux
 états opposés, semble évoluer dans notre monde tout en projetant 
continuellement l’image d’existences secondes, imbriquées les unes entre
 les autres dans un réseau insondable. Et ce gris, dense, profond et terriblement froid. 
Une relique immobile, ternie par le lent écoulement d’un temps infini et entropique.

L’enfant est confus. Il s’éloigne de ce monument, tentant de fuir sa force de 
présence si ensorcelante. Mais au fur et à mesure qu’il avance, ses pensées 
se brouillent et se dispersent. Son esprit s’efface au même rythme que 
ses pieds foulent le sol humide de la clairière. Il ne comprend pas. 
L’étrange édifice parait être à l’origine de sa capacité de pensée ; s’en 
éloigner revient à se vider de la substance de son âme. Il revient 
alors sur ses pas et observe l’autre enfant. Celui-ci est assis, les jambes en 
tailleur, dos au monolithe. Il parait si serein. Sans doute a-t-il accepté 
depuis longtemps l’existence de l’objet. L’univers entier converge dans ses 
yeux invisibles, caché sous ce visage aux arrêtes nettes et décidées.

Le premier enfant comprend alors. Tout. 
Il sait qu’il ne sert à rien de vouloir fuir cet espace. Les événements 
extérieurs n’ont plus lieu d’être ici. Le temps lui-même n’est 
qu’un élément anodin au regard de la vérité évidente qui s’érige 
autour de l’objet. 

Il s’assoit alors à son tour et contemple ce monument,
créateur de tout entendement.









Bruit du jour: Author / Sun

mardi 2 avril 2013

Du citron dans les yeux.





J'marche le dos voûté
J'traîne les pieds
J'ai des brins d'herbe entre les orteils.





Bruit du jour: Devendra Banhart / Taurobolium